lundi 2 décembre 2013
ruée vers l’or ?
Des dizaines de demandes de permis ont été déposées par plusieurs compagnies à capitaux australiens, singapouriens ou égyptiens pour explorer le sous-sol hexagonal et ses métaux. Une première vague de prospections a été autorisée dans la Sarthe. La fièvre des matières premières gagne d’autres régions, sans que l’on sache si les citoyens seront consultés et les activités minières strictement encadrées, au vu des pollutions passées.
La dernière grande mine d’or, celle de Salsigne dans la Montagne Noire, au nord de Carcassonne, a fermé en 2004. La même année que la dernière mine de charbon des houillères de Lorraine, celle de La Houve. Les foreuses se sont tues. L’obscurité a gagné les galeries. Les dernières cages sont remontées des puits. La page de l’histoire minière du pays s’est-elle définitivement tournée ? Dix ans plus tard, géologues et compagnies minières s’intéressent à nouveau au sous-sol hexagonal. Et pas seulement pour les gaz ou huiles de schiste.
Il reste bien quelques mines sur le territoire français, mais loin de la métropole : en Guyane pour l’or, en Nouvelle-Calédonie pour le nickel. Eramet, la dernière grande compagnie minière française, et 7ème producteur mondial de nickel, mise désormais sur les gisements indonésiens avec son projet de mine géante de Weda Bay. Tout cela est bien lointain, la déforestation et les risques de pollutions qui accompagnent les activités extractives également.
Investisseurs australiens, singapouriens et égyptiens
Mais les habitants de la Sarthe, de la Creuse ou des Côtes d’Armor vont devoir bientôt s’intéresser à ce qui se passe au Pérou ou en Zambie. S’ils veulent éviter d’être victimes de pratiques similaires. Car la fièvre minière est de retour en France, dopée par la perspective de produire des métaux et de l’or « made in France ». Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a autorisé le 28 juin dernier la société Variscan Mines à prospecter dans la Sarthe et la Mayenne. Le « permis exclusif de recherche minière », dit de « Tennie », concerne 17 communes et s’étend sur 205 km². Cela faisait plus de 30 ans qu’aucun permis de prospecter n’avait été délivré en métropole.
Un contexte jugé favorable par les compagnies minières
Pourquoi ce regain d’intérêt pour des gisements que chacun pensait épuisés par la révolution industrielle puis les Trente glorieuses ? Avec l’envolée du prix des matières premières, liée à une pénurie annoncée, des gisements de métaux délaissés deviennent désormais rentables, comme pour les hydrocarbures. C’est particulièrement vrai pour le cuivre dont la tonne s’échange actuellement au-delà de 7 000 dollars contre 1 700 dollars il y a dix ans. Mais c’est aussi le cas de l’or : devenue valeur refuge avec la crise, l’once vaut aujourd’hui 1 400 dollars, soit quatre fois plus qu’en 2003.
Cette montée des cours s’accompagne d’un contexte politique jugé favorable par les compagnies minières. Dès octobre 2012, Arnaud Montebourg a exprimé son souhait de « donner une nouvelle ambition à la France, celle de redevenir un pays dans lequel on peut exploiter des mines, comme le font de nombreux pays européens ». D’ailleurs, « le code minier est en révision… », insiste un document interne de Variscan. Traduisez : sa réforme pourrait être accommodante, surtout si, vu leur convergence d’intérêts pour « un renouveau minier », des majors comme Total ou GDF Suez aux « juniors » comme Variscan ou Cominor, font valoir efficacement leur point de vue.
Greenwashing minier
L’industrie ne manque pas d’arguments. Non seulement l’activité minière créera des emplois, promet-on, mais la mine de demain sera « verte », consommera sa propre « énergie positive » grâce à la géothermie, et sera capable de « produire propre » tout en extrayant des « métaux HQE » (Haute qualité environnementale), indique la « stratégie d’exploration minière en France au 21ème siècle », présentée par Variscan à l’Ecole supérieure des mines de Paris début 2012. Selon son ardent défenseur au gouvernement, Arnaud Montebourg, l’activité minière constitue une « source importante d’investissements, d’activités, et d’emplois non délocalisables en France ».
Dans la Sarthe, si la prospection se révèle fructueuse, 150 emplois de mineurs seront créés ainsi que 500 emplois induits (plombiers, électriciens...) d’ici cinq ans, avance le prospecteur. Des embauches qui ne seront pas forcément locales au vu des compétences demandées, nuance le collectif Aldeah (Alternatives au développement extractiviste et anthropocentré). Cette nouvelle activité risque aussi « de détruire les emplois préexistants dans les secteurs directement affectés par les impacts environnementaux », comme l’agriculture ou le tourisme.
Cyanure, arsenic et trou financier
Dans le Limousin, à une vingtaine de kilomètres du site que Cominor souhaite prospecter, se situe l’ancienne mine d’or du Châtelet, exploitée jusqu’en 1955. Selon l’Usine Nouvelle, « plus de 500 000 tonnes de déchets issus du traitement du minerai et stockés à l’air libre sont pollués à l’arsenic et, ce, au cœur d’une zone Natura 2000. A chaque orage, les eaux de ruissellement chargées en arsenic se déversent dans la Tardes, la rivière en contrebas ». Les riverains ont dû mener une longue bataille et l’État débourser près de 4,5 millions d’euros d’argent public pour que le site soit dépollué un demi-siècle plus tard.
Probleme d'image ?
L’industrie minière est confrontée à ce grand paradoxe : d’un côté, les gisements importants s’épuisent. De l’autre, la croissance de la demande est toujours plus forte. Cette contradiction la contraint à adopter un modèle qui est celui de la méga-exploitation minière moderne. Ce modèle implique l’utilisation d’énormes quantités de réactifs chimiques, parfois très toxiques, mais aussi la génération d’énormes quantités de déchets. Les pollutions engendrées représentent souvent des dangers pour les décennies, voire des siècles à venir. Les impacts sociaux, économiques, politiques, voire même culturels ou psychologiques sont à la mesure de ce modèle de méga-exploitation
Les sociétés font tout pour minimiser ces impacts pourtant considérables. Elles promeuvent par exemple des concepts comme l’exploitation minière responsable, durable, soutenable… C’est une sémantique qui circule beaucoup, sur les plaquettes de promotion des sociétés minières, sur les sites Internet, mais aussi au sein des grandes agences de développement, ou les bailleurs comme la Banque Mondiale. On la trouve également dans les discours des gouvernements qui font la promotion ouverte de ce type d’industrie. On l’entend aussi, évidemment, dans les grands médias, sur lesquels les grandes sociétés minières exercent une influence politique marquée. Il y a donc un contrôle, une guerre de l’image, qui se joue au niveau du modèle minier actuel. Sur ce terrain, l’industrie possède des moyens et des atouts dont les communautés qui sont directement affectées par les effets catastrophiques de ses activités ne disposent pas nécessairement.
conclusion ?
Le renouveau minier, malgré les toutes récentes références au « développement durable » affichées par les opérateurs, semble difficilement conciliable avec la transition écologique. « Extraire de l’or, c’est de la folie : des centaines de litres d’eau à la seconde avec l’utilisation de produits chimiques toxiques qui provoquent l’apparition d’arsenic », prévenait dans Basta ! Alain Deneault, coauteur du livre enquête Paradis sous terre. « Quant aux royalties, si tant est qu’on juge sensé de permettre certains chantiers d’exploitation, il faut les prévoir à la source, dès que le minerai est prélevé, pour que les redevances ne concernent pas que les profits », conseillait-il.
L’exploitation minière est « compatible avec le respect de l’environnement », assure au contraire Arnaud Montebourg . Si demain, les futures mines de métaux de la Sarthe, de la Creuse ou des Côtes d’Armor provoquent de graves pollutions, l’État sera-t-il capable de se retourner, aux côtés des citoyens et des employés, contre leurs propriétaires, qu’ils soient à Sydney, à Singapour ou à Toronto ?
Pour rappel , on compte une centaine de sites dits « orphelins » cad abandonnés par les industriels, répartis dans toute la France. Les polluants qu’ils renferment – amiante, pesticides, solvants chlorés, PCB, arsenic… – et le danger sanitaire qu’ils présentent pour les riverains et l’environnement exigent une mise en sécurité. Mais leurs responsables ont disparu. Ils ont mis la clé sous la porte ou ne sont pas juridiquement responsables. C’est donc l’État, via l’Ademe et l’argent des contribuables, qui finance les travaux.
Une fois les sites dépollués, l’Ademe peut se retourner contre les responsables – exploitant ou propriétaire – pour tenter de récupérer les sommes engagées. En réalité, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes de 2003, l’Ademe a bien peu de chances de rentrer dans ses frais. Faire appliquer le principe pollueur/payeur est encore une gageure. « Si le site est remis en état avant la clôture de la liquidation judiciaire, nous arrivons parfois à récupérer un peu d’argent », explique Nadine Dueso. Mais c’est plutôt rare : « 99% des responsables auxquels nous avons à faire sont déjà en faillite »
bref , de beaux discours, de bonnes "volontés" sur le papier, mais c'est toujours NOUS qui payons à la fin.....
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