vendredi 29 août 2014

Réalité entre les dossiers et la réalité




Jugé, vendredi au Mans, un habitant de cette commune est suspecté d'avoir fait de son terrain une décharge sauvage, truffée de tonnes de déchets provenant du chantier de la première ligne de tramway du Mans.

Des camions, des camions et encore des camions. Jusqu'à 200 poids lourds par jour ! C'est d'ailleurs à cause de ce trafic insensé pendant plusieurs mois, en 2008, que les riverains du lieu-dit la Colasière se sont intéressés à ce qui se tramait sur cette propriété de 37 ha située à Ruaudin.

Six ans plus tard, c'est une affaire qui va bien au-delà d'un simple conflit de voisinage qui s'est invitée, vendredi après-midi, dans les débats du tribunal correctionnel devant lequel comparaissait le propriétaire du lieu-dit.

Infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme, défrichement de réserve boisée, exécution de travaux nuisibles au débit des eaux, déversement de substances nuisibles dans les eaux souterraines et éliminations de déchets dangereux sans agrément.

Pneus, fibrociment...

Âgé de 69 ans, Claude G., propriétaire de la Colasière et inscrit comme éleveur de chevaux, est poursuivi pour ces infractions présumées au code de l'urbanisme et aux lois sur l'environnement entre 2006 et 2008.

Du bitume, des pneus, du PVC, des plastiques en tout genre, du fibrociment, du béton, de la ferraille, des bordures de trottoir... Il ne poussait visiblement pas que des arbres et de l'herbe sur cette propriété quand le préfet de la Sarthe, informé de la pétition des voisins, a ordonné en 2008 l'interruption immédiate de dépôt de déchets sur le site.

D'après le propriétaire, qui avait déposé un dossier deux ans plus tôt, il ne s'agissait que de remblais destinés à la création de pistes forestières et barrières antifeu permettant la plantation d'arbres.

Pour se procurer de la matière, Claude G. avait, en effet, passé deux conventions avec les sociétés Colas et Screg alors chargées des travaux de la première ligne de tramway. Le propriétaire s'engageait, gratuitement, à accueillir sur son terrain des dizaines de milliers de m3 de terre de remblai et plusieurs milliers de tonnes de rabotage de route.

Fosses septiques

Sauf que la réalité constatée pourrait bien être d'une autre nature. Puisqu'au total, c'est sur 10 des 37 hectares qu'il aurait collecté des déchets en tout genre allant bien au delà de la terre et de débris de route. « Pour moi, vu l'odeur et la couleur, il y avait aussi des restes de fosses septiques », estime l'employé de l'Office national de l'eau venu témoigner à la barre. « Je ne pouvais pas vérifier tous les jours ce que les camions déversaient », s'est défendu Claude G.

Au final, le procureur Drevard a réclamé 30 000 € d'amende contre lui et la remise en état du site en estimant que deux des chefs de poursuites devaient être abandonnés faute de preuves.

« C'est étrange que les deux sociétés concernées ne soient pas là aujourd'hui, regrette Me Murillo, avocate d'un riverain. Ne savaient-elles pas que tout était entreposé sur un site sans autorisation ? Je regrette que l'enquête n'ait pas cherché à déterminer leurs éventuelles responsabilités. »

Un regret partagé par l'avocat de la défense qui, lui aussi, pointe des lacunes de l'enquête tout en réclamant la relaxe de son client. « On n'a même pas évalué le tonnage des déchets déposés sur le terrain de mon client. Il n'a été entendu que deux fois. Ça aurait dû être un dossier d'instruction », juge Me Renou.

La justice a voulu faire des économies qui, aujourd'hui, pourraient bien coûter cher à la manifestation de la vérité. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 28 août prochain.

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