vendredi 9 août 2013

VIDÉO. "Le déclin des papillons est le signal d'alarme de la nature"


Publié le 09 août 2013 à 07h37 



En Europe, le nombre de papillons a diminué de moitié en vingt ans, selon une étude de l'Agence européenne pour l'environnement. En cause : l'agriculture intensive et le recul des prairies. La disparition des lépidoptères, espèce particulièrement sensible à la modification de son habitat, est "un phénomène grave qui doit nous alerter sur la dégradation des écosystèmes", estime Jean-Philippe Siblet, directeur du service patrimoine naturel au Muséum national d'histoire naturelle. Le Point.fr l'a interrogé.

Le Point.fr : Un rapport de l'Agence européenne pour l'environnement indique qu'en Europe, le nombre de papillons a diminué de moitié en vingt ans. Est-ce la fin des lépidoptères ?


Jean-Philippe Siblet : Non, il y aura encore des papillons pendant longtemps, car on parle de populations très nombreuses. En revanche, quelles espèces résisteront et pendant combien de temps ? Cela, on ne le sait pas. Certaines d'entre elles, qui étaient très communes dans les années 60, sont désormais très rares : c'est presque un événement quand on en trouve un spécimen. Les papillons que l'on voit sont ceux qui ont réussi à s'adapter. Le jour où il n'y en aura plus, la Terre sera dans un état lamentable et il sera trop tard pour s'en inquiéter. Mais l'avenir n'est pas très radieux.






Les résultats de cette étude européenne constituent-ils une surprise ?

Les amateurs de papillons se sont rendu compte depuis longtemps qu'on en voit de moins en moins. Le rapport a le mérite de proposer des données actualisées et de mettre en lumière cette diminution qui est continue depuis trente ans. À la montagne et dans les forêts, les papillons sont encore nombreux, mais il n'y en a pratiquement plus dans les zones agricoles. Ce sont des espèces très sensibles à la modification de leur habitat. C'est d'autant plus vrai pour les espèces "spécialistes" qui vivent dans des milieux naturels très particuliers comme les tourbières, les prairies humides, les alpages, qui disparaissent peu à peu sous l'action de l'homme. La chenille du papillon est souvent liée à une ou à quelques espèces végétales et si l'on perturbe cet environnement et donc ces plantes, l'espèce animale est menacée. Certains papillons s'adaptent, d'autres non....

Quelles sont les causes de cette régression massive ?

Il existe deux causes principales : la simplification de paysages ruraux et l'usage des pesticides. Auparavant, la campagne était composée de différentes parcelles, petites ou grandes, séparées par des haies, des fossés, avec des zones humides, des mares. Mais l'arrivée de l'agriculture intensive a modifié le paysage. Les parcelles sont devenues plus grandes, les fossés ont été comblés, les zones humides drainées. En conséquence, les espèces végétales qui étaient liées à ces milieux ont disparu et les papillons, les chenilles dont c'était l'habitat et la nourriture ont disparu également. Si bien que, même si cela peut paraître paradoxal, les papillons sont plus nombreux dans les zones périurbaines qu'en pleine campagne où l'agriculture est intensive. La deuxième cause du déclin des lépidoptères est l'utilisation massive de pesticides et plus particulièrement d'insecticides qui tuent tout : chenilles et papillons.

Quelles sont les conséquences pour l'homme et pour la planète ?

Le déclin des papillons a d'abord une conséquence directe sur la pollinisation. Comme les abeilles et d'autres insectes, le papillon joue un rôle très important pour la pollinisation des arbres fruitiers et de toute sorte de végétaux. Mais surtout, il est un excellent indicateur de la qualité des écosystèmes. Le déclin des papillons nous montre que des habitats disparaissent. Ce phénomène est particulièrement préoccupant, car c'est un très mauvais signal de l'état de santé de la nature. Il montre que la qualité des écosystèmes diminue. C'est le signal d'alarme de la nature pour nous dire que la situation est délicate. Il faut prendre en compte cette alerte car notre propre pérennité est en jeu. La biodiversité est le tissu vivant de la nature. Aujourd'hui, son maintien doit être une priorité. Et le déclin des papillons est avant tout un révélateur de cela.

Qui aura le plus de poids dans notre combat ? la Lucine, papillon unique en Sarthe, symbole de la richesse de la biodiversité locale, ou les quelques deniers escomptés d’exploitants de carrières et forestiers ?


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